Économie

Le management algorithmique : nouveau paradigme d’organisation du travail ?

Philosophe, Haut fonctionnaire, Spécialiste en data education, Avocat

Avec leur médiatisation et celle de leur capacité d’apprentissage – et donc de prévoyance – de nos comportements, nous réalisons de plus en plus l’étendue du pouvoir des algorithmes. Or, ces derniers sont désormais utilisés pour réguler le travail et les relations humaines au sein des entreprises, sous le nom de management algorithmique. Parce qu’il est porteur de bouleversements positifs comme négatifs, il est urgent de régulariser celui-ci afin de protéger les travailleurs et d’en redonner une capacité de contrôle aux pouvoirs publics.

Quel point commun entre les Boeing 737 Max cloués au sol à cause d’une défaillance de leur logiciel MCAS d’aide au pilotage, les applications qui permettent de se faire livrer chez soi en quelques minutes et le recours croissant d’entreprises à des solutions de recrutement 100 % automatisé en ligne ?

Il s’agit du management algorithmique. Celui-ci est en train de bouleverser le travail, son organisation et les relations entre employeurs et travailleurs.

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Ces bouleversements portent des potentialités positives comme négatives. Parmi les avantages que le management algorithmique peut apporter figurent notamment l’aide à la prise de décision, l’automatisation des tâches les plus répétitives, dangereuses ou à faible valeur ajoutée, les gains de productivité ou encore l’atténuation de biais ou de risques de discriminations.

Les algorithmes sont aussi susceptibles, à l’inverse, de renforcer les effets négatifs de certaines pratiques managériales qui préexistaient à l’essor des nouvelles technologies dans l’entreprise.

Pour reprendre l’exemple du recrutement, la généralisation du télétravail, liée au Covid, a en effet conduit les entreprises à recruter des candidats entièrement à distance et à démultiplier le recours aux logiciels de recrutement fondés sur l’intelligence artificielle (IA). Ainsi la rédaction des offres d’emploi, la recherche de candidats et même leur sélection peuvent désormais être conduites de façon quasi-automatisée. Ce recours croissant à l’IA nourrit des débats sur le renforcement des discriminations à l’embauche.

Au-delà de cette illustration, si l’on combine deux expressions célèbres : « software is eating the world » (« le logiciel dévore le monde ») et « code is law » (« le code c’est la loi »), on peut imaginer que ces bouleversements n’en sont qu’à leurs débuts et qu’à terme l’influence des algorithmes pourra être considérable.

Dès lors, pour « instituer un régime de travail véritablement humain », prendre la mesure de la transformati


[1] Karen Jaehrling, « Virtuous Circles Between Innovations, Job Quality and Employment in Europe? Case Study Evidence From the Manufacturing Sector, Private and Public Service Sector », QuInnE Working Paper n° 6, 2018.

[2] Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-78), éditions du Seuil, 2004

[3] Odile Chagny et Florian Forestier, « Contrebalancer les asymétries de pouvoir nées de la société numérique : vers un droit social de l’algorithme ? », Cahier du CIEP, à paraître.

[4] Dominique Cardon & Antonio A. Casilli, Qu’est-ce que le Digital Labor ?, INA Éditions, 2015.

Florian Forestier

Philosophe, Conservateur à la BnF, romancier

Mathias Dufour

Haut fonctionnaire, Président du think tank #Leplusimportant

Erik Campanini

Spécialiste en data education, Directeur du pôle « Tech Inclusive » du think tank #Leplusimportant

Jérémie Giniaux-Kats

Avocat, Formé en droit du travail et droit des affaires

Notes

[1] Karen Jaehrling, « Virtuous Circles Between Innovations, Job Quality and Employment in Europe? Case Study Evidence From the Manufacturing Sector, Private and Public Service Sector », QuInnE Working Paper n° 6, 2018.

[2] Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-78), éditions du Seuil, 2004

[3] Odile Chagny et Florian Forestier, « Contrebalancer les asymétries de pouvoir nées de la société numérique : vers un droit social de l’algorithme ? », Cahier du CIEP, à paraître.

[4] Dominique Cardon & Antonio A. Casilli, Qu’est-ce que le Digital Labor ?, INA Éditions, 2015.